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Acte 1, scène 2


Appartement de Pinter et Alicia Zymot


Bureau de Pinter Zymot

 


Bar d'Anselmo Bracci

 


Bar d’Anselmo Bracci. Quelques clients discutent attablés devant des verres pendant que le patron s’affaire derrière le comptoir. Une serveuse débarrasse des verres et sors par la porte de la cuisine (côté gauche). Pinter Zymot entre par la droite (côté rue) et s’installe au comptoir.

 

Anselmo Bracci : - Bonjour monsieur, que puis-je vous servir ?

Pinter Zymot : - Un renseignement, s’il vous plait.

A.B. : - Très bien et avec ceci ?

P.Z. : - Commençons plutôt par le début (il sort sa carte de police, Anselmo s’approche et la regarde). Monsieur Bracci, je m’appelle donc Pinter Zymot, police judiciaire, et je pense que vous devinez le sujet qui m’amène chez vous.

A.B. : - Tout à fait, excusez-moi un instant (il s’adresse à ses clients). Bonjour messieurs ! Pour midi, ça sera poulet basquaise (plusieurs clients se lèvent et sortent rapidement vers la rue).

P.Z. : - Tiens, ça ne doit pas être leur plat préféré...

A.B. : - Oui, c’est sûrement les poivrons... Y en a qui les digèrent pas mais, bon, on fait avec les arrivages. Je vous écoute, monsieur...

P.Z. : - Oh, j’aimerais simplement que vous me racontiez ce qui s’est passé avant-hier soir lors de la fermeture de votre établissement.

A.B. : - Ça, vous l’avez déjà lu dans la déposition que j’ai faite auprès de vos collègues qui sont venus hier matin. Dites-moi plutôt quelles précisions vous attendez et nous gagnerons du temps tous les deux.

P.Z. : - Que pouvez-vous me dire au sujet de monsieur Victor Guerrier ?

A.B. : - C’est un habitant du quartier et un habitué de la maison, comme vous le savez déjà... Et vous savez aussi que c’est le dernier client que j’ai servi avant de fermer hier vers une heure du matin.

P.Z. : - Vous me confirmez donc qu’il est bien sorti de votre établissement à cette heure-là.

A.B. : - A quelques minutes près, oui.

P.Z. : - Et ensuite ?

A.B. : - Lisez ma déposition.

P.Z. : - S’il vous plait, monsieur Bracci.

A.B. : - J’ai terminé la fermeture de ma boutique avant de rejoindre mon appartement qui est juste au-dessus vers une heure et demie.

P.Z. : - Quelqu’un peut confirmer cela ?

A.B. : - Non, ma compagne dormait déjà lorsque je me suis couché. Par contre, je monte directement chez moi par l’escalier de la cuisine et je ne suis donc pas ressorti dans la rue qui vous intéresse à l’heure qui vous intéresse.

P.Z. : - Vous n’aviez effectivement aucune raison de le faire. Et, d’après vous, monsieur Guerrier...

A.B. : - (agacé) Non, jeune homme, ça c’est votre travail ! Si vous souhaitez connaître l’itinéraire et l’emploi du temps de monsieur Guerrier après une heure du matin, c’est à lui qu’il faut le demander.

P.Z. : - Oui mais c’est justement là qu’il y a un problème qui vous concerne, monsieur Bracci.

A.B. : - Je vous écoute, monsieur... Zymot.

P.Z. : - Tout simplement, un SDF a été retrouvé mort – poignardé – à une rue d’ici hier matin et l’heure probable du décès a été évaluée entre une heure et deux heures du matin. Sur ce, l’enquête de proximité nous met sur la piste d’un homme sortant de votre établissement vers une heure du matin et dont le trajet de retour chez lui passe justement par le lieu de l’agression.

A.B. : - (ironique) C’est donc une piste sérieuse...

P.Z. : - Tout à fait, sauf que la personne en question – Victor Guerrier, évidemment – affirme avoir tout oublié de son trajet de retour et du reste de sa nuit. Pourquoi ? A cause d’un somnifère que vous lui auriez vendu cette nuit-là. Curieux, non ?

A.B. : - Un somnifère ? Vous voulez dire un comprimé ou un médoc ? Désolé, mais ce n’est pas sur ma carte.

P.Z. : - Je m’en doute mais Victor Guerrier est en garde à vue depuis hier après-midi et il maintient ses affirmations. Il dit aussi que ce n’est pas la première fois qu’il vous voit proposer des médicaments à vos clients réguliers.

A.B. : - De l’aspirine – oui, parfois – ou un truc pour digérer mais pas un comprimé interdit à la vente.

P.Z. : - Comment savez-vous qu’il s’agit d’un comprimé interdit ?

A.B. : - Je parlais de la vente sans ordonnance... Oh et puis je suppose qu’il s’agit d’un comprimé d’Hypnol, non ? Tous les insomniaques du quartier en prennent et ils savent où en trouver. J’en vois s’étaler sur les tables à partir de minuit mais, par contre, je ne sais pas d’où ils viennent.

P.Z. : - En tout cas, vous affirmez que personne ne vient s’approvisionner chez vous, n’est-ce pas ?

A.B. : - Exactement, je tiens à ma licence et il y a une pharmacie de garde à deux pas d’ici. Vous devriez...

P.Z. : - (coupant) Ça c’est mon problème, comme vous dites. Réfléchissez plutôt à ce que je vous demande. D’après ce que je sais sur vous, vous n’allez pas me faire croire que...

A.B. : - (énervé) Non, je sais très bien ce que vous savez et je me contrefous de ce que vous devriez faire ! Vous venez me parler de comprimés d’Hypnol et vous allez évoquer une possible affaire de stupéfiants, c’est ça ? Alors, je vous dis « non » tout net et aucune de vos questions ne modifiera ma réponse. Et, d’après ce que je sais sur vos méthodes, vous n’allez pas me faire croire qu’un juge ou un procureur va faire débarquer ici l’I.J., la Crim’ et les Experts Manhattan pour une histoire de clodo dont personne n’a jamais rien eu à foutre... Alors, vu le peu de temps que la PJ de l’arrondissement va vous accorder sur cette histoire, je sais bien que ça vous arrangerait de confondre Guerrier avant la fin de sa garde à vue mais, désolé, je ne peux rien faire pour vous.

P.Z. : - (pensif) En tout cas, vous avez l’air sûr de vous... l’habitude ?

A.B. : - Ouais, plutôt la lassitude... Monsieur Guerrier est venu vers une heure du matin et il m’a demandé deux vodkas comme cela lui arrive régulièrement à ces heures-là. Il les a payées – désolé, je n’ai pas de facture – et il les a bues avant de repartir poliment, comme je l’ai déjà expliqué à vos collègues. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, je ne sais pas qui a été tué, ni comment, ni pourquoi... Et mes médicaments personnels sont rangés dans une armoire à pharmacie située dans la salle de bain qui est à l’étage. Autre chose ?

(La serveuse entre par la porte de la cuisine.)

Martine : - Anselmo, tout va bien ?

Anselmo Bracci : - Tout va bien, Martine. Un jeune inspecteur est juste venu me poser les mêmes questions que l’équipe d’hier matin.

M. : - Ah, et vous pensez que c’est Victor ?

Pinter Zymot : - Peut-être, vous le connaissez bien ?

A.B. : - Martine, monsieur était justement sur le point de partir.

M. : - Et alors ? Je ne vois vraiment pas quelle révélation je pourrais lui faire. Ne soyez pas surpris mais mon mari se sent rapidement énervé par les policiers à cause de...

A.B. : - Ne t’en fais pas, monsieur Zymot est sans doute déjà au courant de tout mon dossier.

M. : - Zymot ? Vous êtes de la famille d’Alicia Zymot ?

P.Z. : - Euh, oui, c’est ma femme.

A.B. : - Ah, tu connais madame ?

M. : - Oui, c’est elle qui vient souvent le midi – enfin, plutôt vers 13 heures – avec son cartable et ses gros bouquins. Elle travaille à l’université, c’est ça ?

P.Z. : - Oui, c’est ça mais je ne savais pas que... Enfin que...

A.B. : - Oui, qu’il n’y avait pas que des alcoolos et des drogués dans mon bazar, d’accord.

M. : - J’aime bien discuter avec elle après le coup de feu. Quand elle a le temps, on prend le café ensemble et... Enfin, j’ai vu son nom sur un de ses chèques et il est assez facile à retenir.

A.B. : - Parce que tu acceptes les chèques maintenant ?

M. : - Oui, ça m’arrive de le faire le midi comme toi ça t’arrive de faire crédit le soir. On dépanne les bons clients, non ? De toute façon, j’attends que tu sois monté faire ta sieste pour encaisser.

A.B. : - Bon et bien, cher monsieur, j’espère que cette petite discussion aura au moins servi à relever l’opinion que vous vous faites de mon petit commerce. Maintenant, excusez-nous nous avons du travail pour préparer le service de midi.

P.Z. : - Pour le poulet basquaise, c’est ça ?

M. : - (étonnée) Quoi ?

A.B. : - Exactement. En tout cas, excusez-moi pour mon humeur et j’espère qu’elle ne changera en rien les habitudes de votre femme.

P.Z. : - Non, il n’y a aucune raison. Et, comme vous l’avez deviné, j’ai assez peu de temps devant moi : je vais essayer de l’employer de manière efficace. Au revoir, monsieur Bracci. Madame.

Martine et Anselmo saluent d’un geste pendant que Pinter Zymot sort par le côté rue. La lumière s’éteint.